Trop d’événements engagés ? Et si on se rassemblait plutôt que de se multiplier ?

Trop d’événements engagés ? Et si on se rassemblait plutôt que de se multiplier ?
Photo by Nina Strehl / Unsplash

Depuis quelque temps, un constat me frappe : il ne se passe pas une semaine sans qu’un nouvel événement engagé voie le jour. Festivals, conférences, forums, rencontres… Partout, des initiatives émergent pour parler d’écologie, de transition, d’innovation durable.

Alors pourquoi toujours créer de nouveaux événements plutôt que de renforcer ceux qui existent déjà ?

Loin de moi l’idée de critiquer l’engagement de celles et ceux qui lancent ces initiatives. Au contraire, je trouve formidable que l’on sente cette urgence d’agir, cette envie de rassembler, d’informer, de faire bouger les choses. Mais à force de vouloir tout recréer de zéro, ne risque-t-on pas de disperser les forces ? De diluer l’impact au lieu de le renforcer ? Et surtout, d’aller à l’encontre même des valeurs écologiques que l’on défend ?

Un paradoxe dans l’événementiel engagé

Nous savons que l’un des piliers de l’écologie est la sobriété : consommer moins, mutualiser, éviter le gaspillage. Pourtant, dans l’événementiel engagé, on assiste à un phénomène inverse : une course effrénée à la nouveauté, où chaque structure veut organiser SON festival, SON sommet, SA conférence, au risque de créer une offre éclatée qui peine à toucher un large public.

Dans une même ville, on peut voir trois ou quatre événements parler d’écologie et d’entrepreneuriat responsable à quelques semaines d’intervalle, souvent avec des formats et des intervenants similaires. Résultat : on attire le même public, on mobilise des ressources similaires, et parfois, faute d’une audience suffisante, certains événements peinent à se maintenir dans la durée.

On voit aussi des festivals naître avec des ambitions fortes, mais disparaître après une ou deux éditions, faute de financements, de relais ou de bénévoles. Est-ce vraiment la meilleure façon de faire grandir la cause que nous défendons ?

Multiplier les initiatives… et multiplier les ressources

Créer un événement, c’est mobiliser une quantité énorme de ressources :

  • De l’énergie humaine : des équipes, des bénévoles, des intervenants sollicités encore et encore.
  • Des moyens logistiques : transports, hébergement, impression de supports, consommation d’énergie, gestion des déchets.
  • Une communication qui nécessite des flyers, des affiches, des posts sponsorisés…

Chaque nouvel événement implique un budget, du matériel, des déplacements… Alors qu’en mettant ces efforts en commun, nous pourrions économiser de l’énergie, du temps, et amplifier notre impact.

On parle sans cesse d’économie circulaire dans nos modèles de production, alors pourquoi ne pas l’appliquer à l’événementiel ? Pourquoi ne pas réutiliser ce qui existe au lieu de produire du neuf à tout prix ?

Des initiatives qui montrent la voie

Dans certains domaines, cela commence à émerger. Certains festivals et événements engagés ont compris que plutôt que de fonctionner en silos, il est possible de mutualiser des ressources, d’amplifier des synergies et d’éviter la dispersion des publics.

Le Collectif des festivals éco-responsables et solidaires en Région Sud (Cofees)

Créé en 2014, le Cofees fédère aujourd’hui 34 membres représentant 40 éco-festivals majeurs de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, comme Le Bon Air, le Festival d’Aix-en-Provence et le Festival Off d’Avignon. Cette association œuvre pour un développement durable des festivals en mutualisant les ressources et les compétences. Par exemple, le Cofees met à disposition de ses membres du matériel éco-responsable, comme des systèmes de sonorisation solaire et des parkings à vélos, favorisant ainsi une utilisation partagée des équipements.

We Love Green et ses collaborations européennes

Le festival We Love Green collabore avec d’autres festivals européens, tels que Primavera Sound (Barcelone), Northside et Roskilde (Danemark), Best Kept Secret (UK), pour optimiser les tournées des artistes. Cette coopération permet de réduire l’empreinte carbone liée aux déplacements des artistes et de partager les ressources logistiques, illustrant une mutualisation efficace dans l’organisation des festivals.

Des pass communs pour encourager la complémentarité

Dans d’autres secteurs, on voit aussi apparaître des pass communs permettant d’accéder à plusieurs événements engagés dans une même région. Cette approche favorise une complémentarité entre les événements plutôt que de disperser les publics.

Ces exemples montrent que la coopération et la mutualisation sont possibles. Pourtant, ces initiatives restent encore marginales.

Les freins à la mutualisation

Il faut aussi reconnaître que regrouper plusieurs initiatives sous une même entité n’est pas si simple.

  • Il y a parfois des enjeux d’égo : chaque organisateur a son ADN, sa vision, son envie de laisser une empreinte propre.
  • La question du financement entre en jeu : comment répartir les subventions, les recettes, les partenariats si plusieurs structures se réunissent ?
  • Il y a aussi le souci de la reconnaissance : quand on s’investit dans un projet, on veut qu’il soit identifié comme tel et non dilué dans une programmation plus large.

Ces résistances sont compréhensibles. Mais ne devons-nous pas dépasser ces logiques pour penser d’abord impact collectif plutôt que réussite individuelle ?

Un événementiel plus responsable, dans le fond et dans la forme

Un événement qui se dit engagé ne peut pas être uniquement un discours : il doit aussi refléter dans sa conception les valeurs qu’il porte.

Nous devons réfléchir à un événementiel plus responsable, non seulement en réduisant son empreinte carbone (restauration locale, limitation des déchets, transports doux), mais aussi en questionnant son utilité et sa pertinence.

🔎 Se poser la question avant de créer un nouvel événement :

  • Existe-t-il déjà une initiative similaire avec laquelle je pourrais collaborer ?
  • Comment puis-je mutualiser des ressources avec d’autres événements ?
  • Suis-je en train d’ajouter de la valeur, ou de disperser des efforts qui pourraient être concentrés ailleurs ?

D’ailleurs, j’ai recensé 40 événements engagés en 2025 qui méritent d’être mieux connus et soutenus. Plutôt que d’en créer un de plus, pourquoi ne pas les rejoindre et les renforcer ?

Si nous voulons être cohérents avec les valeurs que nous défendons, nous devons aussi changer la manière dont nous concevons nos événements. Non ?

👉 Et si la prochaine grande révolution des événements engagés n’était pas d’en créer de nouveaux, mais de faire ensemble ?